Me Rabier : « Le sang froid d’un homme qui a trompé les experts »
Me Rabier, avocat de Jean-Sébastien Bay, de Franck Mougel et sa femme, garde le cadre de photos devant lui. « Dans un autre procès, l’avocat avait demandé cinq minutes de silence pour comprendre le calvaire qu’avait vécu la victime. Dans ce dossier, c’est impossible. » L’avocat, qui vit en région parisienne, rappelle qu’il a été frappé par « l’élan de compassion » dans toute la France, au lendemain du drame mais encore aujourd’hui. Pour lui, c’est parce que le procès Penin est « aussi le procès de la récidive » : « Voir une personne qui a déjà connu la cour d’assises, à qui on a laissé une chance, qui a été escortée par des éducateurs, par des médecins, qui recommence : on ne comprend pas quand on le voit à la télé. Mais ici, on comprend le drame que c’est. »
Me Rabier demande aux jurés de « s’identifier » aux familles de Natacha et de Jean-Sébastien. Il passe au crible les arguments de l’accusé : « Malgré le détachement de M. Penin, il y a des stratégies de défense. » Il évoque l’environnement familial du meurtrier présumé : Me Rabier ne croit pas aux abus sexuels dont Alain Penin a dit avoir été victime, « jamais évoqués dans le procès de Nanterre qui a duré deux ans ! Il ne joue pas cartes sur table, il ment. » Me Emmanuel Rabier pointe le caractère « manipulateur » de l’accusé : « La visiteuse de prison est venue nous dire à la barre qu’elle s’en voulait de ne pas lui avoir prêté de l’argent pour de l’essence comme il le lui avait demandé avant le drame ! Celle qui n’a rien à se reprocher culpabilise et chez lui, aucun sentiment de culpabilité, sauf quelques mots lâchés comme ça sans conviction. »
Pour lui, Alain Penin a fait montre de « sang froid » tout au long, y compris « quand il est revenu humer les lieux comme un assassin ». L’avocat s’interroge sur la préméditation : « Là où il est le plus flou, c’est sur les préparatifs. On ne sait pas s’il décharge le coffre une semaine ou quelques minutes avant… Il dit n’avoir rien préparé, il dit avoir pété les plombs : M. Penin est un autre ? On aurait deux accusés dans le box ? » L’avocat rappelle l’expertise du Dr Ployé, qui a indiqué « qu’Alain Penin pourrait avoir le profil de Michel Fourniret et qu’il est redoutable, terrible, dangereux. » L’avocat pointe : « Ça n’est jamais lui : c’est sa famille, c’est un autre. Et si sa victime est morte, c’est de sa faute à elle, parce qu’elle se débattait et criait ! L’autre n’existe pas, pas plus que la justice des hommes. »
Enfermé pour toujours ?
Me Rabier indique être sceptique sur la possibilité de soigner Alain Penin : « Jusqu’ici, avec les experts, il a donné le change en faisant semblant d’adhérer aux soins. » Mais l’avocat insiste bien : « Faire le procès de l’expertise serait contre-productif, parce que ce serait pour M. Penin une manière de se dédouaner. C’est lui qui a trompé les experts. Et s’il reste très longtemps en prison, il pourra tromper encore les experts et une fois dehors, son sentiment de rejet et de frustration qui l’aurait conduit à faire tout cela sera encore pire parce que plus personne ne voudra lui tendre la main ! » L’avocat, inscrit au barreau de Meaux mais aussi de Madrid, explique : « La cour d’assises, c’est la justice de luxe, où on passe une semaine sur un cas. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. L’expert vous dit qu’il n’a pas eu les pièces nécessaires au greffe, mais qu’il a rendu son rapport quand même de guerre lasse. » L’avocat, qui se refuse à requérir une peine en tant que partie civile aborde tout de même le suivi d’Alain Penin, et suggère sans doute la rétention de sûreté (qui permet de maintenir enfermé le détenu même une fois sa peine purgée) : « Est-ce qu’on a vraiment les moyens, humains, financiers, de garantir les conditions des sorties sèches ? »