C’est de la douleur à l’état brut. Rencontrer Denise Fontaine et son concubin, Michel Racle, ainsi que leur fils, Cyril Fontaine, c’est se plonger dans les ténèbres. Quatorze ans après le meurtre de leur fils et frère Stéphane, tué d’un coup de couteau dans le coeur le 25 août 1995, à Noisiel, cette famille marquée au fer rouge va enfin faire face à celui qui a bousillé leur vie.
Mohammed Esaadi, l’auteur du meurtre, s’était enfui après le drame. Il a été condamné, par défaut, par la cour d’assises de Seine-et-Marne, à Melun, en 2004, à vingt ans de réclusion criminelle. Bon an, mal an, la justice française a fini par mettre la main sur lui en 2008. Agé aujourd’hui de 33 ans, l’accusé comparaîtra donc les 1 er, 2 et 3 juillet devant le jury criminel. Il encourt la peine maximale de trente ans de prison.
Retour sur les faits. Le 25 août 1995, Stéphane Fontaine, un beau jeune homme de 22 ans originaire de Champs-sur-Marne, est poignardé par Mohammed Esaadi, avec lequel il a eu une altercation deux jours plus tôt. Stéphane, dont la gentillesse fait l’unanimité, était venu en aide à une jeune fille, importunée par Mohammed. La scène du crime se déroule place de l’Horloge, à Noisiel, où se trouvent quelques témoins. La lame est plantée sur treize centimètres, ne laissant aucune chance à la victime.
En cavale… en Italie. Le décès de Stéphane, la cavale de son meurtrier, le temps passé par la famille à essayer de comprendre ce qu’il s’est passé, l’impression d’avoir affaire à une police et une justice trop lente. Les séquelles sont toujours patentes. Le frère, Cyril, a le regard fixe, il ne bouge pas. Il laisse parler son père et quand ce dernier le laisse enfin s’exprimer, il l’avoue : « J’ai de la haine, de la colère. Je n’arrive pas à comprendre comment on ose se cacher quand on a commis un acte aussi grave. En 2004, on a condamné un fantôme. » A ses côtés, sa mère ne parle pas. Depuis quatorze ans, elle est en thérapie et est assommée de médicaments qui tentent de calmer sa souffrance. Elle espère que le procès va l’aider à faire son deuil. Et puis il y a le père : il ne s’arrête pas de parler. Il décrit l’enquête, son enquête. Il ressort des dates, des noms, revit le drame. Quand il ne s’effondre pas en pleurant. Pour lui, c’est comme un cancer qui le ronge.
Leur avocat,Me Emmanuel Rabier, sait qu’il va devoir canaliser Michel Racle, qui a besoin de vider son coeur. « Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi Mohammed Esaadi n’a pas été rapatrié plus tôt. Il était en Italie, où il a fait des séjours en prison ! Il n’était pas donc difficile de le trouver », s’étonne l’avocat. Le plus incompréhensible pour cette famille ? Ils ont été prévenus de l’interpellation de Mohammed Esaadi voilà deux mois… alors qu’il était incarcéré depuis l’an dernier !
Le Parisien | 17 Juin 2009